mardi 16 avril 2024
Côte d’Ivoire-Budget citoyen/ Moussa Sanogo (Secrétaire d’Etat en charge du Budget): « La transparence budgétaire exige que les citoyens sachent comment les ressources sont utilisées ». 

Côte d’Ivoire-Budget citoyen/ Moussa Sanogo (Secrétaire d’Etat en charge du Budget): « La transparence budgétaire exige que les citoyens sachent comment les ressources sont utilisées ». 

Interview                                                                                                                             

Secrétaire d’Etat chargé du Budget et du portefeuille de l’Etat, Moussa Sanogo était l'invité du "Magazine du dimanche" du Journal télévisé de 13 heures de RTI 1. Il s’est prononcé entre autres, sur le budget citoyen qui permet désormais à tout citoyen, de lire  le budget, d’en savoir les sources de financement et l’usage que l’Etat fait de ses ressources.

C’est quoi le budget citoyen ?

Le budget citoyen est un document qui permet à tout le monde de lire de façon très simple le budget, de savoir quelles sont les sources de financement du budget de l’Etat, comment est-ce que l’état utilise ses ressources pour la  dépense publique, la construction des routes,  des écoles, le paiement des salaires et toutes les dépenses de l’Etat. Savoir en gros comment est-ce que le document qui est adopté en son nom, comment est-ce que les ressources sont levées et utilisées en son nom.

Qu’est ce qui a conduit le gouvernement a adopté un tel système ?

C’est d’abord la volonté d’améliorer la transparence. La transparence budgétaire exige que les citoyens sachent la façon dont les différentes autorités  utilisent les ressources. La volonté d’être en ligne avec les normes internationales, parce que dans les pays un peu plus avancés économiquement que nous, ce type de documents existe et il importait que nous puissions nous aussi être en ligne avec ces différents Etats.

Le budget citoyen c’est donc différent du budget programme, du budget par objectif ?

Le budget citoyen est une simplification, une synthétisation  du budget mis à la disposition du citoyen. En revanche, le budget programme est une autre façon de présenter et de définir le budget en comparaison avec le budget de moyens. Le budget  de programme est un budget qui va se caractériser par le fait qu’il s’étend sur plusieurs années en général trois ans alors que nous avons aujourd’hui des budgets de moyens qui sont définis pour une année. La seconde chose,  c’est que les ressources sont mises en place pour des programmes. Et donc la supervision de l’utilisation de la ressource affectée  au programme est mieux faite que quand il s’agit d’un budget de moyens. Par exemple, nous mettons 100 milliards à la disposition d’un ministère pour l’entretien routier, en cours de route,  il peut se trouver que certaines difficultés peuvent faire que les ressources peuvent être affectées à une autre situation qu’on considérerait urgente. Avec le budget programme,  cela va être plus difficile parce que lorsque l’Etat a dégagé de la ressource c’est pour un programme donné et il  va falloir faire le nécessaire pour atteindre les objectifs  liés à ces programmes, et le responsable du programme devra en rendre compte pour que l’on s’assure que tous les francs qui ont été dégagés ont été utilisés à bon escient.

De quel mécanisme dispose le citoyen pour connaitre le budget qui est alloué de façon générale et surtout alloué à sa zone et qu’est-ce qui doit être fait chez lui ?

Les mécanismes sont divers et variés. D’abord la représentation nationale. Le citoyen à un député qui le représente à l’Assemblée nationale, il peut à tout moment l’interpeller pour avoir les détails du budget. Vous avez ensuite les services administratifs dont la direction générale du budget et des finances en particulier des unités comme la Celiop où le citoyen peut également avoir des informations sur  le budget.  Mais enfin et surtout le plus important pour moi, c’est que le budget est en ligne. N’importe quel citoyen aujourd’hui, en allant sur le site du ministère du budget à le budget de Côte d’Ivoire, mieux vous avez tous les trois mois la situation de l’exécution du budget qui est disponible auprès de tous les citoyens. Et vous avez encore d’autres informations comme la situation  des passations des marchés publics.

Qu’est ce qu’on peut retenir de l’année 2018 au niveau de votre département?

2018 a été une année  marquée par de nombreux défis. Une année où nous avons respectés le niveau du déficit budgétaire arrêté avec le FMI. Cela peut ne pas  signifier grand-chose à tout le monde mais un état qui est capable de respecter ses engagements en matière budgétaire est un état qui fait la preuve de son sérieux. Et cela  permet ainsi d’avoir de meilleures relations avec des investisseurs internationaux. Nous avons poursuivi les travaux en matière de dématérialisation des opérations de passation des marchés publics, l’institution d’un mécanisme d’évaluation des DAF, c’est une reforme très importante puisque cela  doit nous permettre d’aller plus loin dans la bonne gouvernance. Il y a également   le scanner déployé aux frontières. C’est un programme qui va se poursuivre, nous faisons aujourd’hui une interconnexion  des systèmes douaniers avec des pays voisins comme le Burkina, comme le Ghana, le suivi des entreprises publiques. Sur la question, il y a toute une batterie  d’indicateurs qui ont été définies  pour  qu’on suive au mieux les résultats des entreprises publiques pour  nous assurer que nous pouvons dégager de la ressource,  qui permettrait également de desserrer les contraintes financières de l’Etat.  Nous allons aller plus loin en matière de digitalisation des opérations de l’administration

Parlez-nous de l’évaluation des DAF

Il y a déjà un ensemble de règles qui encadre les activités de l’ensemble des fonctionnaires, en particulier des DAF, on appellera cela « des incitations négatives », mais vous avez aussi des incitations positives qui permettent de créer une saine émulation dans la qualité de la gestion de la  dépense publique.  Quelles sont les dispositions qu’on prend  pour éviter que certaines dettes de l’Etat apparaissent dans le cadre  des relations avec les opérateurs économiques ?    Comment est-ce qu’on prend les dispositions pour que la qualité du service fait soit assurée ? Comment est-ce qu’on s’assure que les procédures budgétaires sont bien respectées et faites de façon diligente. Ce sont autant d’éléments qui vont faire l’objet d’évaluation pour chacun des DAAF de tous les ministères du pays pour qu’on puisse s’assurer que les choses vont dans le sens que nous souhaitons.

Les recettes des impôts ont atteint en 2018, les 2 000 milliards. Quelle a été votre recette pour y arriver ?

C’est d’abord la qualité de notre politique économique. Vous savez qu’on n’excède pas 2 000 milliards par hasard. Nous avons une politique économique de qualité qui permet la création de richesses que l’administration fiscale arrive à lever suffisamment de ressources. Vous devez avoir une administration qui soit également performante en matière de regroupement de ressources et  là-dessus ce sont toutes les diligences que nous avons définies pour nous assurer que l’administration fiscale travaille au mieux, que les contrôles fiscaux se font de la meilleure des façons. Surtout la question de la digitalisation, que nous sortions de plus en plus de tout  ce qui est manipulation humaine pour qu’on aille vers l’électronique de façon à ce que la collecte des impôts se fasse au mieux.

Etes-vous autant  fier des performances des autres régies ?

Oui je suis fier des performances des autres régies. Par exemple, l’administration douanière a eu des difficultés liées à la conjoncture. Le prix du cacao n’est plus ce qu’il était, il y a deux ans. En 2017, il a baissé de 35 % d’une année à l’autre. Je crois que cela permet de saluer la qualité de la gestion de l’économie de notre pays. Il faut se souvenir qu’à la fin des années 80, nous avons connu un choc pareil et cela a entrainé des difficultés économiques fortes. Mais aujourd’hui, nous sommes  capables d’encaisser un choc d’une baisse de 35% d’une année à l’autre des prix de notre matière première d’exportation sans pour autant que le pays ne traverse des difficultés très importantes. Cela mérite d’être salué. C’est pourquoi je suis très satisfait de ce qui s’est passé en matière de résultat au niveau de l’administration douanière  même aussi au niveau des entreprises publiques, les choses se passent extrêmement  bien.

Il y a quelques années,  le budget de la Côte d’Ivoire s’élevait à  3000 milliards, 4 000,  5 000, 6000 ;  7000  et aujourd’hui 7 334,3 milliards. Qu’est ce qui explique cette hausse ?

Si  l’Etat ivoirien est capable d’afficher un budget pareil, cela veut dire que les activités économiques s’accroissent. Au delà des discours, des débats que nous pouvons faire sur la question de la croissance, c’est bien parce que nous avons une croissance forte que nous sommes capables d’avoir un budget important. Autrement ce ne serait pas possible. La seconde chose, c’est la preuve que nous avons une gestion macroéconomique saine, parce que c’est la qualité de notre gestion  macroéconomique  qui est certifiée par la qualité du programme, que nous avons avec le fonds monétaire internationale qui rassure les investisseurs internationaux, les différents pays à nous accompagner dans la levée de ressources pour pouvoir financer notre développement. Ce sont essentiellement ces deux facteurs mis ensemble qui nous permettent d’afficher aujourd’hui un budget de 7334, 3 milliards et je pense que nous allons continuer pour le bonheur des ivoiriens.

La Côte d’Ivoire affiche depuis quelques années un taux de croissance en moyenne de 8 %.  C’est quoi la croissance ?

Pour expliquer les choses simplement, prenez  un seau. Dans le processus de fabrication d’un seau, on va utiliser des matières plastiques, de l’électricité… Ce sont des consommations intermédiaires qui vont nous permettre d’arriver à un produit final. Le seau qui va être valorisé à 100 F. Là où les consommations intermédiaires ont nécessité 75 F par exemple. La différence de 25 F est celle-là qui fait la valeur ajoutée.  Et la croissance dans le pays c’est la somme de toutes les valeurs ajoutées de l’ensemble des produits de notre économie, l’ensemble des branches d’activités et c’est cela qui fait la richesse qui est créée.

Et qui doit être partagée ?

Et qui doit être partagée. Et qui ma foi n’est pas si mal partagée. Même si certains pensent le contraire

Ils sont nombreux, ceux qui pensent que  la croissance ne se ressent pas dans les assiettes.

Il faut regarder les choses avec détachement. Par exemple, au niveau du secteur public, la masse salariale en 2012 était de 935 milliards et aujourd’hui, elle est de 1 720 milliards. Nous avions 170 000 fonctionnaires en 2012 et aujourd’hui nous avons 270 000. Cela veut dire que l’Etat fait de gros effort en termes de partage de richesses créées.  Vous savez quand vous créez de la richesse vous pouvez en faire deux choses.  Vous pouvez en consommer ou vous pouvez l’investir pour pérenniser le processus de création de richesses et c’est ce que le gouvernement fait. Si vous regardez le niveau de l’investissement public en Côte d’Ivoire, il est passé de 640 milliards en 2012 à 1900 milliards aujourd’hui. Quand  on regarde notre cadre de vie,  quand on regarde le parc auto, les façades qui s’embellissent… Tout cela, c’est le résultat de la croissance. Il y a le fait que nous avons connu des années difficiles et il y a un stock de personnes qui s’est accumulé au niveau du marché de l’emploi. La population active en Côte d’Ivoire c’est autour de 10 millions de personnes. Nous créons à peu près 7 mille emplois dans le secteur formel par mois. Ce n’est pas mal mais ca peut être difficile de résorber tout ce stock. En la matière, les citoyens sont interpellés. Ce n’est pas le gouvernement qui crée des emplois mais il crée les conditions de l’emploi. Et il appartient au citoyen de saisir les opportunités. Par exemple, il y a plus de 5 millions d’habitants à Abidjan. Près de 2 millions de personnes en emplois précaires. Dans le même temps, notre pays manque de vivriers, de viandes, manque de poissons, et on peut obtenir tout cela sur n’importe quel centimètre carré de la Côte d’Ivoire. Donc il appartient aux ivoiriens quelque fois de prendre des dispositions pour aller dans les secteurs d’activités où ils peuvent générer des revenus

Donc, il ya trop de monde à Abidjan pour rien ?

Ce n’est pas tant le monde à Abidjan mais Il y a des opportunités qui peuvent se faire ailleurs et qu’il faut savoir saisir.

Le pays est un peu trop macrocéphale?

Oui on peut le penser et je crois que lorsqu’avec le président de la République, il a été défini l’idée des districts, il s’agissait de faire en sorte que le développement du pays soit un peu plus équilibré au niveau territorial

Qu’est ce que vous répondez aujourd’hui à ceux qui parlent de surendettement  de la Côte d’Ivoire?

Ils n’ont peut être pas la bonne information. La dette fait partie  de la vie d’une économie moderne. L’individu s’endette pour bâtir une maison, sécuriser sa famille. L’Etat a le même processus. Lorsqu’il s’endette, c’est pour améliorer l’outil de production. Mais quant un individu va auprès de sa banque, elle va voir sa quotité, est-ce qu’il a la possibilité de pouvoir s’endetter jusqu’à un certain niveau ? C’est le même principe pour les Etats. Là-dessus, il y a ce qu’on appelle  l’analyse de la viabilité  de la dette qui permet de savoir si le pays peut soutenir un certain rythme d’endettement.  La Côte d’Ivoire le fait tous les six mois avec le FMI et les résultats sont là. Nous sommes l’un des pays les moins endettés de l’UEMOA

Mais n’y a-t-il pas un niveau d’endettement qu’il ne faut pas dépasser ?

Oui, il y a un niveau d’endettement qu’il ne faut pas dépasser mais c’est  en lien avec vos capacités. Si vous prenez les grands pays, ils ont quelque fois des taux d’endettement qui oscillent entre 80% et 100%. C’est bien parce qu’ils ont la capacité de soutenir ce niveau d’endettement.

Propos recueillis par Rose K

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