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Tout le monde dit : Si tu veux cacher quelque chose à un Africain, mets-le dans un livre. L’Afrique est le berceau de la parole. Les Africains ont la culture de l’oralité. Mais est-ce que c’est vraiment vrai ? © Adria Fruitos pour JA Tout le monde dit : Si tu veux cacher quelque chose à un Africain, mets-le dans un livre. L’Afrique est le berceau de la parole. Les Africains ont la culture de l’oralité. Mais est-ce que c’est vraiment vrai ? © Adria Fruitos pour JA

Littérature : en Côte d’Ivoire, on lit en 2.0

Tout le monde dit : « Si tu veux cacher quelque chose à un Africain, mets-le dans un livre. L’Afrique est le berceau de la parole. Les Africains ont la culture de l’oralité. » Mais est-ce que c’est vraiment vrai ? Bien sûr, il y a des personnes parmi nous qui renchérissent sans réfléchir. Et pourtant…

Je lis et je sais que les Ivoiriens lisent. Allez à n’importe quel grand carrefour à Abidjan, rentrez dans les marchés ici en Côte d’Ivoire et vous verrez des livres de seconde main être vendus. Vous verrez aussi des gens en plein marchandage pour ces livres. Des oiseaux de mauvais augure vous diront qu’on ne voit les jeunes dans les librairies, par terre [d’occasion] ou autres, que lorsqu’ils doivent acheter un livre au programme. Entendez, scolaire.

J’ai vu du Coelho, du Maryse Condé, du Vieux-Chauvet et j’en passe chez mon libraire par terre, et ces livres étaient là avant que j’entre dans sa vie. Je parle de sa vie de vendeur de livres de seconde main ; n’allons pas trop loin dans nos réflexions. Non, je pense plutôt que ce qu’on veut, ce sont des romans ou des nouvelles qui se contentent de nous raconter une histoire, et non de ceux qui nous font la morale.

Abidjan Lit

Un autre jour, on parlera de l’industrie du livre en Côte d’Ivoire. Je suis cofondatrice d’Abidjan Lit, un mouvement activiste littéraire, et, lors des rencontres que nous organisons, nous accueillons des jeunes personnes comme nous qui lisent, qui se démènent comme nous chez les libraires par terre, dans les « vraies » librairies, mais aussi en ligne.

Nous avons aussi de l’affluence, et ce ne sont pas les nombreux événements littéraires qui se tiennent à Abidjan qui diront avoir du mal à trouver des intéressés. Si les jeunes ne lisaient pas, viendraient-ils en grand nombre à ces manifestations ? On lit, donc, mais autrement.

 
 

Accessibilité au livre

Face au problème de l’accessibilité au livre et vu qu’on est tous sur nos smartphones, tablettes et consorts, pourquoi ne pas joindre l’utile à l’agréable ? Le problème, c’est qu’on veut nous voir en librairie, alors que nous, on va plutôt sur nos Kindle et on télécharge ce dont on a besoin. On parcourt les blogs littéraires et on lit les quelques lignes de recommandation des autres. Si ça nous plaît, on télécharge.

Quand on fréquente les librairies par terre, c’est qu’on est à la recherche des classiques. Quant aux vraies librairies, on les préfère indépendantes. Les chaînes, c’est l’époque révolue de nos parents.

ON LIT, MAIS EN 2.0 : LISEUSE AU LIEU DE LIVRE PAPIER, FESTIVAL LITTÉRAIRE AU LIEU DE SALON LITTÉRAIRE

L’approche intimiste est celle qui nous convient le plus. Les coffee bars qui proposent des livres et des magazines et où on peut lire le temps d’une pause-café. Des programmes d’échanges de livres entre amis ou collègues.

Du chemin à faire, oui, mais on lit. Ce n’est pas pour rien non plus que la littérature produite par les écrivains africains est aussi vibrante depuis ces dernières années et que les festivals littéraires sur le continent pullulent et se créent. On lit, mais en 2.0, différemment. Liseuse au lieu de livre papier. Festival littéraire au lieu de salon littéraire. Recommandations des blogs au lieu de celles des institutions. Abidjan lit, l’Afrique lit !