vendredi 19 avril 2024
Viviane Kouakou Montéomo ‘’Alexis’’, militante des droits de la femme (Ph : SLY) Viviane Kouakou Montéomo ‘’Alexis’’, militante des droits de la femme (Ph : SLY)

Interview-Viviane Kouakou Montéomo, écrivaine, chargée du genre dans une ONG :« Le 8 mars devrait être une journée de réflexion et non festive pour la femme»

Viviane Kouakou Montéomo, alias Alexis est écrivaine et éditrice, membre de l’Association des écrivains de Côte d’Ivoire (Aeci). C’est aussi une femme engagée pour la promotion des droits de la femme. Elle est membre d’une ONG où elle est en charge du portefeuille promotion de la femme. Nous l’avons rencontrée à l’occasion de la Journée Internationale des Droits de la Femme célébrée le 8 mars dernier. Interview…

En tant qu’écrivaine, quel rapport faites-vous entre l’écriture et le genre que vous défendez ?

Je dirai que l’écriture est un moyen pour sensibiliser la population sur les droits de la femme, c’est la manière la plus subtile pour nous écrivains de faire comprendre aux gens certaines choses qu’ils n’acceptent pas, en nous engageants pour le droit dans nos écrits. Par exemple,  dénoncer les maux de la société, décrier la violation à travers une histoire très belle, cela peut se faire facilement. Donc pour moi en tant qu’écrivaine, il n’y a pas de raison qu’on n’utilise pas notre art pour sensibiliser la population.

Dans quelques heures, ce sera la Journée internationale des droits de la fsemme, qu’est-ce que cette journée vous inspire, vous qui êtes dans ce domaine ?

En tant qu’engagée pour le droit de la femme, dire qu’il y a une journée dédiée au droits de la femme et que c’est une journée où on arrête tout, où on parle de la femme, je dis que c’est vraiment insuffisant. Parce que parler du droit de la femme, c’est une action qui doit être continue, c’est quelque chose qui doit se faire régulièrement. Donc pour moi, le 8 mars devait être la journée bilan, où on se retrouve pour regarder les acquis et regarder ce qui reste à faire, féliciter les uns et les autres pour les avancées et faire un bilan. Mais en général c’est une journée où on vient faire beaucoup de promesse, c’est plus une célébration, une journée festive et plus rien après. Ce n’est pas ce qu’on attend en tant que femme engagée pour le droit des femmes.

Si on veut s’en tenir à vos propos, quelles sont vos attentes pour cette journée ?     

Ce serait par exemple qu’on ait à cette journée, plusieurs activités, plusieurs panels pour parler des avancées des droits de la femme, qu’on réunisse les femmes pour leur dire par exemple qu’aujourd’hui on a pu lutter contre l’excision, nous sommes à tel niveau ou à un tel pourcentage. L’excision dans telle zone ou dans une telle autre où nous savons que l’excision était très pratiquée a diminué. Au niveau des mariages forcés voilà ce qu’on a eu comme acquis ; au niveau de l’égalité des postes avec les femmes, on a pu avoir tel pourcentage en nomination de femme. Ce sont ces acquis que nous devons valoriser le 8 mars. En même temps faire comprendre aux femmes que la lutte continue parce qu’il ne faut pas laisser à nos sœurs, à nos jeunes filles qui arrivent, ce que nous avons vécu. Il va falloir leur laisser quelque chose de plus. Pour moi le 8 mars, c’est plutôt une journée pour faire réfléchir la femme sur sa condition de femme dans la société et non une journée festive.

En tant que chargée de la femme dans une ONG, si vous devez faire un bilan comparatif des avancées dans cette lutte par rapport à 5 ou 10 ans en arrière, quel serait votre appréciation ?

Beaucoup de choses ont changé, de plus en plus les femmes prennent la parole, même à tous les niveaux, au niveau politique les femmes prennent la parole, les femmes sont à des postes de pouvoir comme on peut dire, les femmes sont devenues des décideurs, elles participent à la vie de la société, ce qui n’était pas évident il y a 5 ans. Donc je peux dire qu’il y a de très belles avancées, mais on peut faire mieux en Côte d’Ivoire.

Si le bilan est si positif comme vous le dites, quel aspect négatif dénoncez-vous exactement ?      

L’aspect négatif c’est que le regard n’a pas encore changé, le regard de la femme sur elle-même déjà n’a pas changé, parce qu’en fait il ne s’agit pas de lutter contre les hommes quand on parle d’émanciper les femmes, c’est d’avoir les hommes avec nous pour permettre aux femmes d’avancer. Donc je dirai que le regard d’abord sur nous-mêmes en tant que femmes n’a pas encore changé, nous nous considérons toujours comme étant à la traine, celle dont on doit s’occuper. Donc je me dis qu’actuellement le combat réel que nous devons mener, c’est changer notre mentalité en tant que femme. C’est plutôt cela, changer nous-même notre mentalité en tant que femme et chercher à nous engager pour changer les choses. Faire nous-même des actions qui permettent de donner l’exemple aux autres femmes. Je crois que c’est ce qui est négatif pour le moment. Sinon au niveau de nos hommes, je crois que pour le moment ils sont eux-mêmes avec nous, ils nous aident, ils nous tendent la perche, donc à nous de savoir comment la tenir pour avancer.

Nous ne pouvons pas échanger avec une écrivaine sans parler de ses œuvres, donc donnez-nous un aperçu de vos écrits et les thèmes que vous y abordez ?

Dans ma première œuvre, « Amour, Choix et Regard » (2014) je parle du choix que la femme doit faire elle-même pour sa vie. Je parle de l’importance de laisser la femme elle-même choisir son homme, choisir sa vie. Je décrie un peu le viol et l’encouragement pour le choix d’un homme au lieu de l’autre. Je parle du fait que les femmes dans le choix de leurs conjoints sont souvent soumises à l’influence de l’environnement. Il faudra laisser la femme elle-même en tout état de cause choisir l’homme avec qui elle veut vivre qu’il soit pauvre ou riche, parce que lorsque le choix est fait par amour, on réussit à vivre et à supporter les obstacles de la vie. Dans ma deuxième « Les ombres de nos avancées » (2016), je parle de la femme comme soutien de l’homme, de la femme comme celle qui est l’aide de l’homme, je fais ressortir le côté de l’homme en situation de handicap en parlant particulièrement des albinos. Mais je fais un clin d’œil à la femme comme dans toutes mes œuvres. Dans le dernier qui est un livre enfant « Apprendre à bien s’habiller » (2018), je parle de l’importance de bien s’habiller et là, le clin d’œil est fait à nos jeunes filles qui de plus en plus laissent leur corps carrément dehors, donc leur montrer l’importance de la tenue. Ce livre a été coécrit avec une styliste, Ange Koffa, qui a mis des images de certains défilés à la fin. Voilà c’est un peu ça notre engagement, c’est de passer des messages à travers nos livres.

Si vous devez conclure cet entretien, quel serait votre mot de fin ?

Je dirai qu’il est temps pour les femmes de s’engager elles-mêmes pour le changement de leurs conditions et ne pas toujours attendre que les choses viennent vers elles. 

Réalisée par Laurenzo Yapi

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