Le processus d’indemnisation des personnes vivants sur l’emprise du 4è pont est confronté à de nombreuses difficultés qui provoquent constamment des grincements de dents chez les populations impactées par le projet. Cette opération qui parait fastidieuse pourrait occasionner un vrai drame social si l’on ne gère pas ce dossier avec la plus grande attention. De nombreuses victimes pourraient quitter le site sans avoir perçu leur argent.
Les travaux de construction du 4è pont devant relier la commune de Yopougon à celle du Plateau en passant par Attécoubé et Adjamé se poursuivent. Plusieurs piliers du pont sont déjà bien visibles sur la lagune Ebrié.
Les ouvriers en charge des travaux du pont sont à la tâche mais ils sont freinés dans leur élan par la présence des populations sur l’emprise du pont.
Au quartier Boribana dans la commune d’Attécoubé, un nombre considérable de locataires sont déjà passés à la caisse et le minimum de leur indemnité est d’environ 230.000 FCFA. Le paiement des propriétaires de maison est également en cours.
Le processus d’indemnisation démarré en septembre 2018 se poursuit même si nombreuses sont les personnes qui ne sont pas encore passées à la caisse.
Le président de l’Ong Colombe Ivoire, Sekou Sylla dont la structure défend les droits des personnes impactées par le projet a dénoncé début juillet le fait que 400 personnes du quartier Boribana n’aient pas encore perçu leurs indemnités.
Les personnes non encore indemnisées sont généralement confrontées à certainement difficultés liées à des erreurs sur leurs noms, les cas d’omissions lors des recensements, les reçus perdus , ou ceux qui refusent de signer les certificats de compensations parce qu’ils contestent l’indemnité que les responsables du Projet du Train Urbain ( PTUA ) proposent.
De nombreux locataires ayant déjà perçu leurs indemnités continuent de vivre sur l’emprise du pont estimant que la somme de 230.000 FCFA octroyée aux locataires est insuffisante pour se reloger. Et ce, à cause non seulement du coût élevé des cautions de maisons, mais aussi des loyers et des difficultés d’accès à un logement à Abidjan, capitale économique de la Côte d’Ivoire.
De nombreuses personnes rencontrées évoquent des problèmes comme le non-respect du barème de la Banque Africaine de Développement (BAD) , la lenteur du processus d’indemnisation, et surtout l’insuffisance des guichets de paiement pour les détenteurs de chèques .
M. T. M. habitant du sous quartier Boribana dans la commune d’Attécoubé dit avoir perdu son reçu et aurait fait un certificat de perte qu’il a présenté aux responsables du PTUA. Mais il est toujours en attente de son argent.
Le président de l’Ong Colombe Ivoire pour sa part affirme que 14 propriétaires résidant du sous quartier Boribana refusent de signer leurs certificats de compensations sous prétexte que la valeur de leurs logements a été sous-estimée par les responsables du PTUA.
En définitive, les 14 propriétaires de maison ont signé les documents après une réunion houleuse faite de menaces voilées et de chantage avec les responsables du Plan d’action et de réinstallation (PAR).
Un autre habitant de Boribana a fait savoir que la maison de son frère a été évaluée à 38 millions FCFA, alors que le PTUA lui propose une indemnité de 5 millions FCFA.
S.K dénonce pour sa part le fait que le PTUA lui propose une indemnisation de 6, 3 millions FCFA à la première négociation, puis 7, 3 millions et 09 millions CFA respectivement à la 2è et 3è négociation alors que le coût de la maison de sa sœur est de 23.733.000 FCFA.
A Yopougon au sous quartier Yaosehi qui est aussi situé sur l’emprise du pont, un habitant ne cache pas son amertume face à la lenteur de l’opération d’indemnisation et le faible taux de personnes indemnisées dans son quartier.
Ce dernier souhaite l’affichage de la liste définitive de toutes les personnes à indemniser, et déplore aussi la lenteur dans la gestion des réclamations.
Cet habitant de Yahosehi déplore également l’intimidation des bénéficiaires par des agents du PTUA dans les bureaux de négociation.
Le chef du quartier de Yahosehi, Adou affiche un optimisme quant à l’indemnisation des habitants du quartier qu’il dirige.
Il souligne qu’il suit avec la plus grande attention le dossier d’indemnisation, les réclamations afin que toutes les victimes de son quartier perçoivent effectivement leur argent avant le déguerpissement dont la date ne lui a pas été notifiée.
Le chef Adou soutient qu’il a plaidé auprès des responsables du projet afin que le déguerpissement des populations se fasse (03) trois mois après la fin des indemnisations, mais sa proposition est rejetée.
Il précise que dans son quartier les personnes à indemniser sont au nombre de 1350 personnes à savoir 1100 locataires, 200 propriétaires non-résidents et 50 propriétaires résidents.
Les centres de négociations que nous avons visitées dans les quartiers de Yopougon et d’Attécoubé ne désemplissent pas. Les réclamations et les négociations continuent toujours et sont encore nombreuses.
Les raisons de la lenteur de l’opération d’indemnisation, mystère sur la date du déguerpissement
Un responsable du projet qui a en charge le recensement des populations explique que la lenteur constatée dans le paiement des indemnités n’est pas dû à un manque d’argent, mais plutôt au fait que les dossiers d’indemnisation sont soumis à un contrôle rigoureux afin d’éviter les cas de fraude.
Il soutient aussi que cette lenteur est due à une nouvelle disposition financière selon laquelle tout décaissement d’argent des caisses de l’Etat doit être précédé d’un arrêté du ministre de l’Economie et des Finances.
« Il y’a de l’argent pour indemnisation des populations vivant sur l’emprise du 4è pont, mais le ministre doit signer d’abord un arrêté avant l’émission d’un chèque. C’est une nouvelle mesure de gestion financière imposée à la Côte d’Ivoire qui fait que le pays est éligible à tous les financements », explique l’agent du PTUA.
Ce dernier promet que des dispositions seront prises par le PTUA afin d’amplifier désormais les paiements. Il souligne que les erreurs passées seront corrigées et tous les cas litigieux (les omissions, tickets de recensement perdus, ceux qui sont recensés et qui ont leurs reçus mais dont les noms ne figurent pas la liste …), rassure-t-il, seront traités de sorte que toutes les personnes vivant sur l’emprise du projet du 4è pont soient indemnisées avant le déguerpissement.
Aux personnes qui n’ont pas voulu signer les certificats de compensations, il promet qu’il y aura d’autres rencontres. En cas de mésentente, le dossier sera transmis à la justice où le juge va commettre un expert indépendant. Ce sont les montants qu’il indiquera qui seront pris en compte lors du paiement.
Les propriétaires résidents, souligne-t-il seront relogés temporairement. Le projet se chargera de payer leur loyer jusqu’à la construction de leur nouvelle maison sur un nouveau site de recasement de 41 hectares à Anyama et à Sogon, rassure-t-il .
Les populations inquiètes malgré l’assurance des autorités
Pour un souci d’équilibre de l’information, le mardi 30 juillet 2019 nous avons rencontré le service de communication du ministère de l’Equipement et de l’Entretien routier pour avoir leur version sur le sujet d’indemnisation des personnes impactées par le projet du 4è pont. Ils ont promis nous rappeler, mais jusqu’au moment où nous mettions sous presse nous n’avons eu de retour.
Cependant il convient de noter, qu’en mai 2019 déjà, Dimba Pierre, directeur général de l’Agence de Gestion des Routes (AGEROUTE) une structure du ministère de l’équipement et de l’entretien routier affirmait que ce sont 13.178 personnes qui sont installées sur l’emprise du projet qui seront indemnisées.
9,922 personnes soient 75 % ont déjà signé leur certificat de compensation et que 7216 personnes ont fait l’objet d’autorisation de paiement dont 3,385 personnes soient 47 % ont été payées.
En dépit des assurances données par les autorités, les populations en général, notamment les propriétaires résidents qui ont opté pour une indemnisation en nature c’est-à- dire pour l’acquisition d’un nouveau logement, souhaitent avoir une garantie claire, un titre foncier de leur site de recasement.
Même si un délai de déguerpissement n’a pas été encore signifié aux populations, n’empêchent qu’elles s’inquiètent, tout en redoutant un déguerpissement précipité du site sans que l’Etat n’honore entièrement ses engagements vis-à-vis des personnes vivants sur les zones impactées .
Pour l’instant les populations ne savent pas encore combien de temps durera le processus d’indemnisation qui a débuté en septembre 2018, mais les responsables du projet rassurent que toutes les personnes impactées seront indemnisées avant leur départ du site. Raison pour laquelle, les populations doivent se tenir prêtes pour quitter le site.
Certaines personnes affirment qu’elles sont constamment menacées de déguerpissement pourtant le processus d’indemnisation est loin de finir avec les cas de réclamations qui foisonnent.
Ils sont nombreux ceux qui n’espèrent plus toucher leur indemnité, et qui abandonnent leur dossier avant de quitter le site.
Si l’on n’y prend garde ce projet au-delà de son objectif premier qui est de favoriser une fluidité routière à Abidjan, pourrait occasionner un vrai drame social chez les populations impactées par le projet car certaines personnes pourraient voir leurs maisons détruites sans recevoir de compensation financière.
Dans le cadre de la réalisation du projet du 4è pont d’Abidjan, c’est un montant global de 41 milliards FCFA qui a été alloué à l’indemnisation des populations vivants sur l’emprise du pont, à travers un accord de prêt signé entre la Côte d’Ivoire et la Banque Africaine de Développement (BAD).
L’Ageroute (Agence des gestions des routes) est chargée de l’exécution du projet à travers sa structure le PTUA (Projet du Train Urbain d’Abidjan) dont le coordonnateur est
Issa Ouattara. Les zones situées sur l’emprise du pont sont Yopougon (Yaosehi , Doukouré nouveau quartier ) , Attécoubé ( Fromager , Jean-Paul 02 , Santé , Boribana ) Adjamé (Bramakoté , Adjamé village ) .
Dossier réalisé par Zatté Albert