jeudi 28 mars 2024
Dossier / Côte d’Ivoire –projet 4e pont : L’indemnisation des populations, un vrai casse-tête pour les autorités

Dossier / Côte d’Ivoire –projet 4e pont : L’indemnisation des populations, un vrai casse-tête pour les autorités

Le processus d’indemnisation des personnes vivants sur l’emprise du  4è pont est confronté à de nombreuses difficultés  qui provoquent constamment des  grincements de dents chez les  populations impactées par le projet. Cette  opération qui parait  fastidieuse pourrait occasionner un vrai drame social  si l’on ne gère pas ce dossier avec la plus grande attention. De nombreuses victimes pourraient quitter le site sans avoir perçu leur argent.

 Les travaux de construction du  4è pont devant relier la  commune  de Yopougon  à celle du Plateau en passant par Attécoubé  et Adjamé se poursuivent. Plusieurs  piliers  du pont  sont déjà  bien  visibles sur la lagune Ebrié.  

Les ouvriers en charge des travaux  du pont sont à la tâche mais  ils sont  freinés dans leur élan par la présence des populations sur l’emprise du pont.

Au quartier  Boribana  dans la commune  d’Attécoubé,  un    nombre considérable de  locataires sont déjà passés à la caisse et le minimum de leur indemnité est d’environ 230.000 FCFA.  Le paiement des propriétaires de maison est également en cours.

Le processus d’indemnisation démarré en  septembre 2018 se poursuit même si nombreuses sont les personnes qui ne sont pas encore passées  à la caisse.

Le président de l’Ong Colombe Ivoire, Sekou Sylla dont la structure défend les droits des personnes impactées par le projet a dénoncé  début  juillet   le fait que  400 personnes du quartier Boribana n’aient pas encore perçu leurs indemnités.

Les personnes non encore  indemnisées  sont  généralement confrontées  à  certainement difficultés  liées à  des erreurs  sur leurs noms, les cas d’omissions  lors des recensements, les  reçus perdus , ou  ceux qui  refusent  de signer les certificats  de compensations  parce qu’ils  contestent  l’indemnité que les responsables du  Projet du Train Urbain ( PTUA )  proposent.

De nombreux  locataires  ayant  déjà perçu leurs indemnités  continuent de vivre  sur l’emprise du pont estimant  que la somme de 230.000 FCFA  octroyée aux locataires est insuffisante  pour  se reloger. Et ce, à cause non seulement du coût élevé des cautions de maisons, mais aussi  des loyers et des difficultés d’accès à un logement à Abidjan, capitale économique de la Côte d’Ivoire.  

De nombreuses  personnes  rencontrées  évoquent des problèmes comme le non-respect du barème de la Banque Africaine de Développement (BAD) ,  la  lenteur du processus  d’indemnisation,  et surtout  l’insuffisance des guichets  de paiement pour les détenteurs de chèques .

 M. T.  M. habitant du sous quartier Boribana dans la commune d’Attécoubé  dit avoir perdu son reçu et aurait fait un certificat de perte qu’il a présenté  aux responsables du PTUA. Mais il est toujours en attente de son argent.

Le président de l’Ong Colombe Ivoire pour sa part affirme que 14 propriétaires résidant du sous quartier Boribana  refusent de signer leurs certificats de compensations sous prétexte que la valeur de leurs  logements  a été sous-estimée par les responsables  du  PTUA. 

En définitive, les 14 propriétaires de maison ont signé les documents après une réunion houleuse  faite  de menaces  voilées et de chantage  avec les responsables du Plan d’action et de réinstallation (PAR).  

Un autre  habitant de  Boribana  a  fait savoir  que la maison de son frère a été évaluée  à 38 millions FCFA, alors que le PTUA lui propose une indemnité de 5  millions FCFA.

S.K  dénonce pour sa part le fait que le PTUA  lui propose une indemnisation de 6, 3 millions  FCFA  à la première négociation,  puis 7, 3 millions  et 09 millions CFA    respectivement à la 2è et 3è négociation alors que le coût de la maison de sa  sœur est de   23.733.000 FCFA.

  A  Yopougon  au  sous quartier Yaosehi qui est aussi situé sur l’emprise du pont, un habitant  ne cache  pas son amertume face à  la lenteur de l’opération d’indemnisation et le  faible taux de personnes  indemnisées dans son quartier.

Ce dernier souhaite l’affichage de  la liste définitive de toutes les personnes à indemniser,  et  déplore aussi  la lenteur  dans la gestion  des réclamations. 

Cet habitant de Yahosehi déplore également l’intimidation des bénéficiaires  par des agents du PTUA dans les bureaux de négociation. 

Le chef  du quartier de  Yahosehi, Adou  affiche  un optimisme quant à l’indemnisation des habitants du  quartier qu’il dirige. 

Il souligne qu’il  suit avec la plus grande attention le dossier d’indemnisation, les réclamations  afin  que toutes les victimes de son quartier  perçoivent effectivement  leur argent  avant le  déguerpissement dont la date ne lui a pas été  notifiée.  

Le chef  Adou soutient  qu’il a  plaidé  auprès des responsables du projet afin que  le déguerpissement des populations se fasse  (03) trois mois après la fin des indemnisations, mais sa proposition est rejetée. 

Il  précise  que dans son quartier  les personnes à  indemniser sont au nombre de 1350 personnes à savoir 1100 locataires, 200 propriétaires  non-résidents  et 50 propriétaires résidents. 

Les centres de négociations que nous avons visitées dans les quartiers de  Yopougon et d’Attécoubé ne désemplissent pas.  Les  réclamations et les négociations continuent toujours  et sont encore nombreuses.

Les raisons de la lenteur de l’opération d’indemnisation, mystère sur la date du  déguerpissement

Un responsable  du projet qui a en charge le recensement des populations  explique que  la lenteur  constatée dans le paiement des indemnités  n’est pas dû  à un  manque d’argent, mais  plutôt au fait que les dossiers  d’indemnisation  sont  soumis  à un contrôle  rigoureux  afin d’éviter  les cas de fraude. 

Il soutient aussi  que cette lenteur est due à une  nouvelle disposition financière selon laquelle  tout décaissement d’argent des caisses de l’Etat doit être précédé d’un arrêté  du ministre de l’Economie et des Finances.

« Il y’a de l’argent pour indemnisation  des  populations vivant sur l’emprise du 4è pont, mais le ministre doit signer d’abord un arrêté avant l’émission d’un  chèque. C’est une nouvelle mesure de gestion financière  imposée à la Côte d’Ivoire  qui fait que le pays est éligible à tous  les financements »,  explique l’agent du PTUA.

Ce dernier  promet que des dispositions seront prises par le PTUA  afin d’amplifier désormais les paiements. Il souligne que les erreurs passées  seront corrigées et  tous les cas litigieux (les omissions,  tickets de recensement  perdus, ceux qui  sont recensés et qui ont leurs reçus  mais dont  les  noms ne figurent pas la liste …), rassure-t-il,  seront traités  de sorte  que toutes les personnes vivant sur l’emprise du projet du 4è pont soient indemnisées avant le déguerpissement.

Aux personnes qui n’ont pas voulu signer les certificats de compensations, il  promet qu’il y aura  d’autres rencontres. En cas de mésentente,  le dossier sera transmis  à la justice où le juge va commettre un expert indépendant. Ce sont les montants qu’il indiquera  qui seront  pris  en compte lors du paiement.

Les propriétaires résidents, souligne-t-il seront relogés  temporairement.  Le projet se chargera de payer leur loyer jusqu’à la construction de leur nouvelle maison sur un nouveau site de recasement  de 41 hectares à Anyama  et à Sogon, rassure-t-il  .

Les populations inquiètes malgré l’assurance des autorités

 Pour un souci d’équilibre de l’information, le mardi 30 juillet 2019 nous  avons rencontré le service de communication du ministère de l’Equipement et de l’Entretien routier  pour avoir leur version sur le sujet d’indemnisation des personnes impactées par le  projet du 4è pont. Ils ont promis  nous rappeler, mais jusqu’au moment où nous mettions sous presse nous n’avons eu de  retour.

Cependant il convient de noter, qu’en mai  2019 déjà,  Dimba Pierre, directeur général de l’Agence de Gestion des Routes (AGEROUTE)  une structure du ministère de l’équipement et de l’entretien routier  affirmait que ce sont 13.178 personnes  qui sont installées sur  l’emprise du projet  qui seront  indemnisées.

  9,922 personnes soient 75 % ont déjà  signé leur certificat de compensation  et que 7216 personnes ont fait l’objet d’autorisation de paiement dont 3,385  personnes soient 47 % ont été payées. 

En dépit  des  assurances données par les  autorités,  les populations  en général, notamment les propriétaires résidents qui ont opté pour une indemnisation en nature c’est-à- dire pour l’acquisition d’un nouveau  logement,  souhaitent  avoir une garantie claire, un  titre foncier de leur  site de recasement.

 Même si  un délai de déguerpissement n’a pas  été  encore signifié aux populations,  n’empêchent qu’elles  s’inquiètent, tout en  redoutant  un déguerpissement précipité du site  sans que l’Etat n’honore  entièrement ses engagements vis-à-vis des personnes vivants sur les zones impactées .

Pour l’instant  les populations  ne savent pas  encore  combien de temps durera le processus  d’indemnisation  qui a débuté en septembre 2018, mais les responsables du projet rassurent  que toutes les personnes impactées seront indemnisées avant leur départ du site. Raison pour laquelle, les populations doivent se tenir prêtes  pour quitter le site.

Certaines  personnes affirment qu’elles sont constamment  menacées de déguerpissement pourtant le processus d’indemnisation est loin de finir  avec  les cas  de  réclamations qui foisonnent.  

Ils sont nombreux ceux qui n’espèrent plus toucher leur indemnité, et  qui abandonnent  leur dossier avant de quitter le site.

Si l’on n’y prend garde ce projet au-delà de son objectif premier qui est  de favoriser  une fluidité routière à Abidjan,  pourrait occasionner un  vrai  drame social  chez les populations impactées par le projet  car certaines personnes  pourraient voir leurs  maisons détruites  sans recevoir de  compensation financière.

Dans le cadre de la réalisation du  projet du 4è pont d’Abidjan,  c’est un montant global  de 41 milliards FCFA  qui a été  alloué à l’indemnisation  des populations vivants  sur l’emprise du pont, à travers un accord de prêt signé  entre la Côte d’Ivoire et la Banque Africaine de Développement (BAD).

L’Ageroute (Agence des gestions  des routes)  est chargée de l’exécution du projet à travers sa structure le PTUA (Projet du Train Urbain d’Abidjan) dont le coordonnateur est

Issa Ouattara.  Les zones situées sur l’emprise du pont  sont Yopougon (Yaosehi , Doukouré nouveau quartier ) , Attécoubé ( Fromager , Jean-Paul 02 , Santé , Boribana )  Adjamé (Bramakoté , Adjamé village ) . 

  Dossier réalisé par Zatté Albert

 

 

 

 

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